INSTALLATION D’EL HADJI MALICK DIAGNE COMME NDÈYE DJI RÈEW DE NDAKAROU : UNE CÉRÉMONIE TRADITIONNELLE QUI PERPÉTUE L’HÉRITAGE LÉBOU
La Collectivité léboue de Dakar a marqué samedi 6 décembre 2025 un moment fort de sa vie institutionnelle en procédant à l’installation officielle du nouveau Ndèye Dji Rèew de Ndakarou, El Hadji Malick DIAGNE. Accompagné de deux autres dignitaires, cette cérémonie d’intronisation s’est déroulée au siège social de la Collectivité Léboue, au Pinth de Santhiaba, à l’intersection des rues 22 x 17 à la Médina, devant une assemblée de personnalités de premier plan.
Une intronisation prestigieuse encadrée par les plus hautes autorités lébou et gouvernementales
La cérémonie a été placée sous la supervision du Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar DIOP, Chef suprême de la Collectivité Léboue, en présence du ministre de la Culture et de l’Artisanat, Amadou BA. Cette implication du gouvernement souligne l’importance accordée à la préservation du patrimoine culturel et des traditions ancestrales du peuple lébou. L’événement a également réuni les imams, les chefs de Pinths, les Diambours, les chefs de villages traditionnels, ainsi que les notables de la région de Dakar.
El Hadji Malick DIAGNE, un érudit au service de la collectivité
Descendant direct de la famille Diagne, historiquement chargée de porter le titre prestigieux de Ndèye Dji Rèew depuis 1752, El Hadji Malick DIAGNE incarne le renouvellement des responsabilités traditionnelles. Formé à l’université française de Lille, où il a obtenu des diplômes universitaires d’études supérieures en Gestion des Entreprises, il a consacré l’essentiel de sa carrière professionnelle au service de l’État sénégalais. Retraité de la Lonase en qualité de Directeur Financier et Contrôleur Interne, il apporte à sa nouvelle fonction une expertise en gestion et une connaissance approfondie des enjeux administratifs et financiers contemporains.
L’installation simultanée de trois dignitaires symbolise la continuité institutionnelle
Aux côtés du nouveau Ndèye Dji Rèew, deux autres dignitaires de premier plan ont été intronisés lors de la même cérémonie :
El Hadj Mamadou Thiaw, dit Latyr, nommé Saltigué de Ndakarou. Ancien cadre de l’administration publique, ce retraité justifie de plus de trente années de service dans la gestion comptable, apportant à sa charge une expérience reconnue dans la gestion financière collective.
El Hadj Baye Farba Moussé Paye, intronisé Djaraaf de Ndakarou. Ancien contrôleur principal de classe exceptionnelle et décoré chevalier de l’Ordre national du Mérite, il incarne les valeurs de rigueur et d’intégrité propres aux institutions lébou.
Ces trois nominations marquent une nouvelle étape dans la continuité des institutions coutumières léboues, garantes des équilibres sociaux, religieux et culturels de la presqu’île du Cap-Vert.
Le Ndèye Dji Rèew : La Mère du Pays, une charge millénaire inscrite dans l’histoire
Le titre de Ndèye Dji Rèew, littéralement « la Mère du Pays », plonge ses racines dans plusieurs siècles de tradition et de transmission. Son histoire commence avec la population léboue qui, animée par un profond esprit de liberté, fit le choix fondateur de ne pas se soumettre à un Buur, ni à un Damel, ni à un Tégne. Cette décision ouvrit la voie à la création d’un système coutumier original, reposant sur la concertation, la sagesse et la représentation du peuple.
Bamma Diagne est reconnu comme le premier Ndèye Dji Rèew en 1752. Ce dernier était le petit-fils de Mory Codou, qui avait établi domicile à Bégn, territoire correspondant aujourd’hui à la Baie de Hann. À cette époque, Dakar n’était encore qu’une vaste forêt inhabitée. Mory Codou contribua activement au défrichement et à l’aménagement de ces terres, posant ainsi les fondations du territoire et de la communauté léboue.
Depuis Bamma DIAGNE, la charge de Ndèye Dji Rèew est restée entre les mains de sa descendance, la famille Diagne, désignée comme la lignée porteuse de ce titre prestigieux. Un adage lébou illustre bien cette logique de continuité et de respect des générations : « Rakk top makk, Dom top Baye » (« Le cadet suit l’aîné, et l’enfant suit le père »).
Un système de succession fondé sur la sagesse collective
La succession du Ndèye Dji Rèew s’organise selon un processus démocratique proprement lébou. À la mort du titulaire, la famille se réunit afin d’en désigner un nouveau. Le choix se fait généralement en fonction de critères précis : l’âge, la sagesse et la maturité du successeur. Une fois la désignation effectuée, la famille l’annonce à la collectivité léboue, composée de 12 Pintch dirigés par le Borom Pintch.
Chaque Pintch comprend trois Diambours, soit 36 Diambours au total, placés sous la coordination du Ndey Diambour. Le Ndèye Dji Rèew détient le pouvoir exclusif de convoquer les Borom Pintch pour transmettre les décisions prises par les chefs coutumiers, entérinant ainsi le choix de la famille.
Une autorité bienveillante qui incarne la voix du peuple
Contrairement aux systèmes féodaux ou monarchiques, le Ndèye Dji Rèew n’est ni roi, ni damel, ni tégne. Il n’exerce pas un pouvoir monarchique, mais incarne plutôt la voix et la volonté du peuple. Sa mission consiste à veiller au respect des recommandations et des décisions de la collectivité. L’autorité du Ndèye Dji Rèew s’exerce en permanence dans le respect de la collectivité et de ses institutions.
Le respect et la tendresse qui unissent la mère et l’enfant expliquent pourquoi, chez les Lébous, le chef coutumier porte souvent le préfixe « Ndèye » (mère). Cette dénomination constitue une marque d’amour, de respect et d’autorité bienveillante.
La République Léboue : une démocratie consensuelle avant 1789
Le peuple lébou est reconnu pour sa rigueur organisationnelle et son sens de la structure communautaire. C’est cette organisation qui a valu à leur système le surnom de « République Léboue »—une appellation qui s’enracine bien avant l’instauration des républiques modernes en Europe. Contrairement aux systèmes féodaux ou monarchiques, la République Léboue repose sur la concertation, le respect mutuel et la représentation collective. Elle est républicaine avant la révolution française de 1789, témoignage de la précocité et de la profondeur de sa pensée politique et sociale.
Le rôle fondamental du Ndèye Dji Rèew dans la cohésion sociale
Le Ndèye Dji Rèew est bien plus qu’un simple chef coutumier : il est le gardien de la mémoire, de la paix et de la cohésion du peuple lébou. Son rôle, à la fois symbolique et fonctionnel, incarne l’esprit républicain, la sagesse collective et la fidélité aux ancêtres. En vérité, le Ndèye Dji Rèew est la Mère du Peuple Lébou.
Une cérémonie d’intronisation, expression vivante des traditions
La cérémonie du samedi 6 décembre 2025 confirme la vitalité des institutions traditionnelles léboues et leur capacité à s’adapter aux enjeux contemporains. En confiant la charge de Ndèye Dji Rèew à El Hadji Malick DIAGNE, dont le parcours universitaire et professionnel allie la modernité à l’ancrage dans les valeurs ancestrales, la Collectivité léboue démontre que tradition et progrès ne sont nullement incompatibles.
Cette intronisation s’inscrit dans le contexte plus large de la reconnaissance et du respect des patrimoines culturels immatériels du Sénégal. Elle rappelle au peuple sénégalais entier que la force des communautés réside dans la transmission fidèle de ses institutions et dans la sagesse de choisir des leaders conscients de leurs responsabilités envers les générations présentes et futures.
Avec l’installation d’El Hadji Malick DIAGNE, Ndakarou entre dans une nouvelle phase de sa longue histoire, forte de traditions séculaires et dirigée par un leader enraciné dans le respect des valeurs lébou. »
