đŽVIDĂOâEMPLOI DES JEUNES AU SĂNĂGAL : L’HEURE DE LA « DISRUPTION » ET DU LANGAGE DE VĂRITĂÂ
Câest un aveu de luciditĂ© rare dans la sphĂšre publique, qui tranche avec la langue de bois habituelle. RĂ©unis ce jeudi Ă Dakar autour de la plateforme « Diisoo Dialogue », acteurs de la sociĂ©tĂ© civile et hauts responsables de la PrĂ©sidence de la RĂ©publique ont posĂ© un diagnostic sans concession sur soixante annĂ©es de lutte contre le chĂŽmage : il faut changer de mĂ©thode, et vite.
InitiĂ©e par le think tank LEGS Africa en partenariat avec le Bureau dâĂvaluation des Politiques et Programmes Publics (BEPP), cette table ronde marque peut-ĂȘtre le dĂ©but d’un nouveau paradigme : celui oĂč l’Ătat accepte d’ĂȘtre Ă©valuĂ© en temps rĂ©el par la sociĂ©tĂ© civile pour dĂ©samorcer la « bombe sociale » du chĂŽmage des jeunes.
La fin du « Business as Usual »
DĂšs l’ouverture, le ton a Ă©tĂ© donnĂ© par Ălimane Haby KANE, prĂ©sident de LEGS Africa. Pour lui, ressasser les discours des anciens prĂ©sidents ne sert plus Ă rien si la mĂ©thode ne change pas.
« Il est temps de changer de paradigme, dâaller vers la disruption et de sortir du « business as usual » », a-t-il martelĂ©.
L’objectif est clair : briser le « cercle vicieux » de la crise de l’emploi en sortant des sentiers battus pour co-construire des solutions citoyennes et systĂ©miques. Une approche saluĂ©e par les autoritĂ©s, reprĂ©sentĂ©es au plus haut niveau technique.
« Nous n’avons pas de politique d’emploi, que des programmes »
L’intervention la plus marquante est venue du cĆur mĂȘme de l’exĂ©cutif. Le Pr Mounirou NDIAYE, Chef du Bureau d’Ă©valuation des politiques publiques Ă la PrĂ©sidence, a livrĂ© une autocritique cinglante de l’action publique passĂ©e.
Selon lui, le SĂ©nĂ©gal a longtemps souffert d’une erreur de diagnostic fondamentale : confondre programme et politique.
« Au SĂ©nĂ©gal, il n’y a pas de politique d’emploi, il n’y a que des programmes multiples », a-t-il affirmĂ©, pointant du doigt l’absence de lisibilitĂ© et de rĂ©sultats tangibles sur le terrain, malgrĂ© des statistiques souvent enjolivĂ©es par les structures de financement.
S’appuyant sur les travaux de l’Ă©conomiste Ndongo Samba SYLLA, le Pr NDIAYE a plaidĂ© pour l’abandon de l’approche purement microĂ©conomique (centrĂ©e sur l’employabilitĂ© individuelle) au profit d’une vision macroĂ©conomique.
« 5 millions, 10 millions [de financement], ça ne permet pas Ă un jeune d’exprimer son potentiel », a-t-il tranchĂ©, appelant Ă une refonte totale de l’Ă©cosystĂšme bancaire et financier, trop frileux et contraint par des limites de dĂ©ficit public obsolĂštes.
3FPT : Cap sur l’impact rĂ©el et la formation duale
Si le diagnostic est politique, la rĂ©ponse se veut technique et opĂ©rationnelle. Le Dr Babo AmadoQu BA, Directeur GĂ©nĂ©ral du 3FPT, a insistĂ© sur l’urgence de passer d’une logique de moyens (combien a-t-on dĂ©pensĂ© ?) Ă une culture du rĂ©sultat et de l’impact (combien d’emplois durables créés ?).
Pour concrĂ©tiser cette vision, le 3FPT mise sur une approche systĂ©mique de la chaĂźne de valeur de l’emploi : orientation, profilage, formation, financement et incubation ne doivent plus ĂȘtre des silos isolĂ©s.
La mesure phare annoncée pour répondre aux directives du Président de la République ? La formation duale (école-entreprise).
« L’Ătat a demandĂ© qu’on insĂšre 35 000 jeunes par an dans le cadre de la formation duale », a annoncĂ© le Dr BA. Une mĂ©thode qui implique directement l’entreprise dans la formation, garantissant ainsi une meilleure adĂ©quation au marchĂ©.
Vers un « Horizon 2050 » partagé
Cette table ronde n’est pas un Ă©vĂ©nement isolĂ©, mais le premier acte d’une sĂ©rie de rencontres mensuelles. Elle s’inscrit dans la vulgarisation du nouveau rĂ©fĂ©rentiel « SĂ©nĂ©gal Horizon 2050 ».
Ce 20 novembre 2025 restera peut-ĂȘtre comme le jour oĂč l’Ătat et la sociĂ©tĂ© civile ont dĂ©cidĂ© de cesser de se regarder en chiens de faĂŻence pour regarder ensemble dans la mĂȘme direction : celle d’une vĂ©ritĂ© des chiffres et d’une efficacitĂ© de l’action. Comme l’a rĂ©sumĂ© le Pr NDIAYE : « C’est vraiment dans une dĂ©marche co-constructive que la question du chĂŽmage va ĂȘtre rĂ©glĂ©e. »
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