Victimes d’une concentration extrême de l’administration et des activités économiques à Dakar, les casamançais doivent payer le prix fort de la galère d’un voyage périlleux. Voyage qui aurait dû être romantique et passionné, mais malheureusement, à cause de l’état calamiteux des routes et d’un parc automobile vétuste (véhicules vieillissants), il se prépare comme un sport de combat.
Situées après le fleuve Gambie qu’il faut traverser en largeur, les régions casamançaises (Kolda, Sédhiou, Ziguinchor) deviennent géographiquement isolées malgré la réfection des routes.
Désormais, ce n’est plus la vétusté des routes (qui a duré 50ans), mais l’obstacle gambien et l’État calamiteux des véhicules.
Pour le premier, il s’agit d’une frontière qui ferme à 20 h et s’ouvre à 6 h le lendemain. Il faut donc attendre des heures, l’ouverture de la frontière pour les voyageurs qui quittent Dakar le soir entre 18h et 20h pour arriver à Keur Ayip (ville frontalière sénégalaise) à 3h, 4h.
Une attente frappée par le froid glacial en période de fraîcheur et les assauts des moustiques en période d’hivernage.
Cette situation profite à des pratiquants d’un business lucratif que j’appelle «les marchands de sommeil». Il est fréquent de voir aux abords de la rue, des dizaines lits alignés équipés de moustiquaires, qu’on peut louer pour gagner quelques heures de sommeil et se reposer après 5h de trajet dans des véhicules aux secousses insupportables.
Par ailleurs, les bureaux de formalités de passage, les points de contrôle d’identité sont remplis de voyageurs qui attendent de passer le contrôle. S’y ajoute l’obstacle du Bac communément appelé « ferry ». C’est le plus sérieux obstacle du trajet, il m’est arrivé d’y passer une journée entière puis une deuxième nuit après celle de Keur Ayip. Vous êtes surtout condamné lorsque le même véhicule doit vous conduire directement jusqu’à l’autre côté de la frontière; c’est-à-dire de Dakar à Sédhiou, Kolda, ou Ziguinchor. Vous êtes obligé d’attendre qu’il traverse le fleuve par le fameux « bac de fortune » qui tombe en panne en plein trajet. Ses réparations et dépannages peuvent durer une demi-journée, laissant ainsi stationner des véhicules de toutes catégories dans une queue interminable qui décourage même les plus endurants et les plus courageux. Entre épuisement et désespoir, soif, insolation et stress, on ne sait plus lequel des symptômes dominent les organismes des passagers.
Voilà ce qui devait être un voyage de bonheur car menant vers la ville ou le village natal au paysage beau, devient une épreuve qui dépasse l’entendement. Il faut le vivre pour s’en convaincre !
Cependant, au fil des années, il y’a eu des améliorations de l’asphalte, mais les véhicules toujours vétustes, la traversée par le bac, empêchent le ressenti du mieux-être espéré.
En effet, nous avons tous applaudi lorsque l’autorité gambienne a terminé la construction du pont, mais mon voyage de ce mois m’a « ramené sur terre » alors que je croyais résolus les problèmes. En effet, à notre arrivée au fleuve à 7heures, le pont était fermé et plus de 200 véhicules attendaient son ouverture.
S’agissant des véhicules, il faut signaler l’offre, très insuffisante, reste la même alors que la demande s’est décuplée en cette période d’avant tabaski.
La solution devrait être la même que celle adoptée à l’occasion du « Magal », du « Gamou », de la tabaski par la réquisition de bus TATA et DEM DIK qui desservent les régions du Nord, elles aussi, victimes de l’exode rural à cause d’une économie concentrée à Dakar et environs.
Le péril casamançais n’est pas prêt de s’arrêter et fait parfois renoncer quand on pense à la souffrance qui frôle le degré zéro de la dignité humaine. En fait, nous sommes confinés dans des véhicules étroits chauds et rouillés parfois de l’intérieur avec une carrosserie qui rappelle l’intérieur d’une grotte.
Ceci n’est pas pour décourager ceux qui veulent découvrir le sud du pays mais pose plutôt les bases d’une solution à trouver vite surtout pour les événements comme la Tabaski, la Korité etc.
Les habitants de la Casamance comme d’ailleurs, souffrent énormément en voyageant. Le voyage est et reste un véritable sport de combat au Sénégal. Plutôt que ce soit une partie de plaisir et de passion, le voyage est une épreuve difficile qu’on ne s’empresse jamais de revivre chez nous. Mes pensées aux populations du Fouta, de Tambacounda et Kédougou avec qui, nous partageons ce péril sous presque toutes les mêmes formes. Toujours plus de 350 kilomètres d’un voyage épouvantable.
Préférant prendre plusieurs véhicules, je fus transporté dans le dernier tronçon, par un véhicule «Ndiaga Ndiaye» fumant de partout et surtout de l’avant où j’étais aussi à côté du chauffeur. Mes pieds étaient trempés dans une bouffée de chaleur qui se dégageait du moteur. À l’image du car rapide, on les préfère juste pour partir car on est pressé et incapable de s’offrir un véhicule personnel. Les pors de ma peau ont tellement gonflé que je croyais voir des boutons émerger. J’ai tellement transpiré que les nombreux sachets d’eau que j’ai ingérés n’ont rien pu changer. Mais à l’arrivée, la joie de passer la tabaski avec ma mère, m’envahit et j’ai vite récupéré. Le déjeuner aussi était passé par là car j’ai redécouvert le « cordon bleu » maison.
Ansou SAMBOU,
Panafricain convaincu et militant politique.
#Soul_Gaz_Douko_Téré_Xegn
