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LA GESTION DÉSINVOLTE DE L’ETAT EN AFRIQUE GÉNÈRE L’INDISCIPLINE SOUS TOUTES SES FORMES (Par Madi Wake TOURÉ)

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indiscipline à dakarIl serait intéressant que les chercheurs en sciences sociales se penchent sur le phénomène de l’indiscipline observée chez une partie importante de la population africaine et cela en rapport avec la manière assez désinvolte dont nos états sont dirigés. Ce serait là une thématique extrêmement intéressante en ce sens qu’il n’y a pas de progrès dans un environnement de chienlit généralisée.

Et le constat est unanime : le désordre sous toutes ses formes dû à l’indiscipline est présent partout dans nos pays. On disserte là-dessus jour et nuit mais le mal est là toujours plus profond et n’épargne aucun secteur de la vie nationale. Et comme un tissu cancérigène, il a fini par déglinguer le champ social, politique, économique et culturel de nos pays. Cette réalité qui distingue malheureusement le continent africain peut il se conjuguer sur la longue durée avec un développement durable. La réponse coule de source : elle est assurément non ! Alors que faire ? Faut-il laisser la situation en l’état et courir le risque d’une implosion inévitable ? Voilà des questions fondamentales qui doivent préoccuper tout africain soucieux du développement de ce continent.

Avant d’y répondre, il ne serait pas superflu de chercher à camper le phénomène de l’indiscipline dans certaines de ses manifestations. Pour ce faire, nous ferons appel à l’expertise du philosophe Ciré Aw( CA). Son diagnostic qui concerne le Sénégal pourrait être étendu à l’ensemble du continent africain à l’exception de quelques pays. Ecoutons CA camper le décor : « On semble ne prendre rien au sérieux dans notre pays, tout est banalisé, négligé, justifié par une prétendue ‘’volonté divine ‘’…. La recrudescence des accidents de la route, des effondrements d’immeubles, d’incendies , la récente panne de l’unique machine de radiothérapie publique mettant en danger la vie de plusieurs patients, les fraudes scandaleuses aux examens du Bac, du BFEM, des concours d’entrée à l’EFI ,l’organisation plus que déplorable des dernières législatives ayant pourtant englouties des milliards sont autant de phénomènes symptomatiques d’une anarchie notoire punissable dans une société qui se respecte. »

Un tel contexte, vous en convenez tous avec moi ne peut aucunement générer le progrès. Au contraire ! Il fera basculer davantage nos pays dans la déchéance morale, politique et économique. Ceci dit, rompons avec le champ d’analyse qui se voulait macro avec l’ensemble des pays africains pour nous intéresser au micro c’est-à-dire le Sénégal. Ce pays se signale par la propension de ses habitants et de ses élites à surfer sur le registre du type : « tout pour moi et les miens ; des miettes ou rien pour les autres ! » Une telle mentalité pour paraphraser le poète n’a jamais embelli le monde. Il l’a beaucoup dénaturé en rendant la vie assez compliquée sous nos cieux.

Et conscient du danger qui nous guette, il urge d’engager la réflexion sur la question pour mieux la comprendre et pouvoir situer les responsabilités. Il est vrai qu’on a tendance à accabler les populations africaines en les taxant de tous les noms d’oiseaux, il n’en demeure pas moins qu’on ne peut en toute honnêteté leur faire porter le chapeau à elles seules. Et pour arbitrer ce débat, je vais faire appel à l’excellent sociologue, Abdoulaye Sokhna Diop (ASD). Je rappelle que ces mots signés de ce talentueux sociologue ont été écrits Il ya plus de trente cinq ans et ce qui est extraordinaire dans tout cela, c’est l’actualité du discours qui ne comporte aucune ride. Et c’est cela le mérite des grands esprits : cette capacité à projeter une réflexion qui surplombe le temps et l’espace. Trêve de commentaires, laissons à ASD le soin de nous dire le pourquoi de ces dysfonctionnements dans la société sénégalaise. « Tous les grands maux sociaux et moraux, les fléaux dont le Sénégal souffre aujourd’hui, depuis l’injustice et l’arbitraire érigés en système jusqu’au pillage du patrimoine de l’Etat( sous toutes ses formes en particulier le vol qualifié) et l’irresponsabilité ,ont eu leurs origines lointaines dans l’émergence de la classe des successeurs de l’ordre colonial. De la sorte, la faillite de la moralité et des vertus morales n’est due qu’à ces mêmes responsables… Si le constat de la faillite de la moralité est présentement indéniable dans ce Sénégal de nos jours, cela veut dire, en toute logique, que ceux qui ont eu la responsabilité à conduire les destinées du peuple de ce pays ont failli à leur mission soit par carence, soit par démission ou irresponsabilité. » Ce verdit en dit long sur la responsabilité de nos élites. Elles sont à pointer du doigt dans ce qu’il est convenu d’appeler le mal vivre sénégalais dans sa déclinaison apparentée à du « je m’en foutisme » .Je dois dire que les gouvernances Senghor, Diouf, Wade, Macky ont connu tous des scandales à répétition. S’y ajoutent des dénis de justice on ne peut plus flagrant, la promotion d’antivaleurs comme la transhumance, le tout mâtinés à la sauce « Kumba Am ndéy, kumba amulndéy » .Ici, on ne sanctionne que ceux qui ne sont pas de votre bord, d’où les nombreux dérapages qui ont contribué à fragiliser le tissu social.

Passons maintenant sur quelques scandales commis sous la gouvernance APR estampillée sobre et vertueuse et qui ont fini de l’enlaidir. Qui n’a pas entendu parler de ces affaires sulfureuses, Pétro Tim, Bictogo dans lesquelles l’Etat sénégalais a perdu des dizaines de milliards dans un amateurisme difficilement acceptable pour un pays un tant soit peu organisé ? Des affaires du genre et d’autres de la même espèce, on peut les multiplier à la pelle. Toutes ces transactions douteuses avec leurs relents de scandales relayés en boucle par les médias traditionnels et autres réseaux sociaux finissent par induire des représentations mentales qui ne font pas bon ménage avec le progrès social en ce sens qu’elles créent des reflexes du genre : « comme tout le monde du sommet à la base vole , y a pas de raison que je sois en reste. Je dois faire comme tous les autres. » Et c’est là où gît le véritable problème de nos pays.

Et tant que l’exemple ne viendra pas d’en haut, n’espérons pas voir le bout du tunnel. Nos chefs d’Etats et leurs proches collaborateurs doivent prêcher par l’exemple s’ils veulent voir les populations adopter des postures comportementales en conformité avec les valeurs civiques les plus élevées. C’est à cela que les convie le philosophe, CA : « Mais, ce qui est sans doute le plus important pour discipliner nos compatriotes, c’est la présence d’un leader charismatique et patriote capable de taire ses penchants partisans, ses désirs personnels pour se mettre au service des intérêts suprêmes du pays sans cela l’émergence sera une amère illusion. ». La réflexion sonne éminemment juste et ce serait là une des conditions pour mieux réarmer les populations pour les installer définitivement dans une nouvelle citoyenneté porteuse d’avancées significatives pour le Sénégal.

Et par quoi conclure ce papier sinon exhorter l’élite politique – notre élite politique-à changer de paradigme ; autrement dit renverser totalement la perspective qui a jusqu’ici modelé, orienté et encadré sa perception de la politique. Laquelle est vue par beaucoup comme un lieu où on peut « manger ». Et à satiété ! C’est là l’avis de l’analyste politique camerounais, Michel Lobé Etamé : « La politique n’est pas une source intarissable pour s’enrichir. Or, c’est uniquement les gros sous qui intéressent nos politiciens de sorte qu’ils perdent toute respectabilité, réputation et sont souvent victimes de chantage et d’intimidations de la part des occidentaux à cause de leur corruption endémique. Telle est la triste réalité de nos politiciens africains, des corrompus pour la plupart. C’est cela le véritable frein à l’envol de la démocratie en Afrique. Plus les politiciens sont corrompus moins la démocratie à des chances de survivre. »

Il n’a pas tort : suivez mon regard !

Madi Wake Toure

tmadiwaketoure@gmail.com

 

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