SAUVEGARDE DE L’ESPACE CIVIQUE AU SÉNÉGAL : ARTICLE 19 DRESSE UN BILAN MITIGÉ MAIS ENCOURAGEANT DE SON ACTION

L’organisation de défense et de protection de la liberté d’expression et de l’accès à l’information, Article 19 Sénégal-Afrique de l’Ouest, a organisé une journée d’échange ce mardi 8 avril 2025 à Dakar pour capitaliser les apprentissages et les acquis de son projet « Libérer les voies de nos voix: Contrer la répression de l’espace civique au Sénégal ».
Monsieur Alfred Nkulu BULAKALI, Directeur régional d’Article 19 Sénégal-Afrique de l’Ouest, a livré un aperçu détaillé des résultats obtenus, des défis rencontrés et des perspectives d’avenir lors de cet atelier réunissant un large éventail d’acteurs de la société civile, des médias, des institutions publiques et des partenaires techniques et financiers.

Selon Monsieur Nkulu BULAKALI, « ce projet, mené pendant deux ans avec le soutien d’Open Society Africa, visait à promouvoir la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté des réunions pacifiques afin de favoriser une participation citoyenne active dans un environnement habilitant ».

L’atelier a permis de réunir des acteurs clés, notamment 14 activistes-défenseurs des droits humains, les responsables des 5 organisations membres du Desk de coordination de suivi et des réponses à l’espace civique (LSDH, RADDHO, Africtivistes, Amnesty International Sénégal, ARTICLE 19), des représentants des médias (APPEL, CORED, AFMS, CTPAS) et des acteurs institutionnels (Direction des Droits Humains, Conseil consultatif pour les DH et le DIH, CNDHS) ainsi que le partenaire financier, Open Society Fondation.

Des avancées notables dans la surveillance et le soutien

Monsieur Nkulu BULAKALI a souligné avec satisfaction plusieurs résultats concrets du projet. « Le projet a permis par exemple de mettre en place un groupe de moniteurs des droits humains dans les 14 régions du Sénégal, lesquels au cours des deux dernières années ont été les sentinelles de la sauvegarde de la liberté de presse, de la liberté d’expression, de la liberté des réunions pacifiques dans leurs régions », a-t-il déclaré.

Ces moniteurs ont collecté des informations cruciales, permettant à la coordination centrale d’Article 19 de « trouver des réponses pour parler d’une voix unique, collaborer, travailler, s’exprimer ou porter cela à l’attention des institutions publiques habilitées, parfois aussi porter cela devant les mécanismes régionaux auxquels le Sénégal participe ».

Le projet a également apporté un soutien essentiel aux médias. Monsieur Nkulu BULAKALI a précisé que « cela s’est traduit par un accompagnement pour la résilience numérique, incluant une étude sur la vulnérabilité digitale et la mise en place d’outils de protection contre les cyberattaques. De plus, des petites subventions ont été allouées à certains partenaires de la presse et de la société civile pour assurer leur continuité d’activités dans un contexte socio-politique parfois tendu ».

Un plaidoyer fructueux auprès des instances internationales

Un autre succès majeur mis en avant par le Directeur régional d’Article 19 est le plaidoyer mené auprès des mécanismes de défense des droits humains.

« Nous avons porté à l’attention de différents mécanismes de défense des droits humains la situation que nous vivions au Sénégal, que ce soit l’évaluation périodique universelle, et formulé des recommandations », a expliqué Monsieur Nkulu BULAKALI.

Il s’est félicité que « la plupart des recommandations qui ont été formulées avec le soutien notamment de cette action et des partenaires autour de moi, la plupart ont été acceptées par l’État du Sénégal ». Cependant, il a insisté sur le fait que « le plus dur reste à faire, c’est d’assurer que ces recommandations sont mises en œuvre ».

Des défis législatifs et pratiques persistent

Malgré ces avancées, Monsieur Nkulu BULAKALI n’a pas manqué de souligner les défis majeurs qui entravent encore pleinement l’exercice des libertés au Sénégal. Il a notamment pointé du doigt un « cadre légal quand même très difficile ».

Concernant le code de la presse, bien que des évolutions aient eu lieu en 2017, il reste des points critiques tels que les cadres de régulation, le statut du journaliste et surtout, « la pénalisation des délits de presse ». Pour le Directeur d’Article 19, « un journaliste qui s’exprime avec l’intention d’informer, quand il se trompe, il ne devrait pas se retrouver devant un procureur ou dans un cachot. »

La liberté de réunion pacifique est également soumise à des restrictions importantes. « Monsieur Nkulu BULAKALI a déploré le pouvoir discrétionnaire laissé aux autorités administratives pour autoriser ou interdire les manifestations, souvent au nom de l’ordre public ou du manque de forces de sécurité, sans que ces notions soient clairement définies. Il a également mentionné des dispositions du code pénal relatives aux « forces nouvelles » qui peuvent être utilisées pour poursuivre et emprisonner des individus pour des délits d’opinion.

L’espoir d’une évolution profonde du cadre légal

Conscient des défis, Monsieur BULAKALI reste optimiste quant à la capacité de la société sénégalaise à évoluer. « La société sénégalaise reste une société de dialogue, de libre expression, de tolérance. Nous devrions vraiment utiliser cette culture sociale pour faire évoluer nos lois », a-t-il affirmé. Il a insisté sur la nécessité de « détendre encore plus » le système légal afin que la dynamique sociale ne dépende plus de la « bonne volonté » de ceux qui appliquent les lois.

Enfin, le Directeur régional d’Article 19 a évoqué la complexité de la désinformation et la nécessité pour les régulateurs et les autorités publiques de protéger l’intégrité de l’information et les libertés individuelles. Il a conclu en appelant à une collaboration continue entre les médias, la société civile et les autorités pour traduire les aspirations communes en actions concrètes dès aujourd’hui, afin d’en récolter les fruits demain. Les recommandations spécifiques issues de cet atelier devraient être partagées ultérieurement par Article 19.

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