Dans une allocution d’une profondeur et d’une ambition rares, le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a transcendé le cadre protocolaire de l’ouverture du Forum national sur le livre et la lecture pour livrer ce qui restera comme un véritable manifeste politique et culturel. Ce 16 octobre 2025, il n’a pas seulement parlé de livres ; il a défini la lecture comme l’acte fondateur de la liberté et la culture comme le pilier central de son projet de « transformation systémique » pour le Sénégal.
Le Livre : Arme de Construction Massive pour l’Esprit
Dès ses premiers mots, le Président Faye a placé le débat à une hauteur philosophique. Oubliant la technicité administrative, il a célébré le livre comme « la lumière que l’homme arrache aux ténèbres de l’ignorance pour bâtir sa liberté ». Cette vision érige la lecture en condition sine qua non de la citoyenneté active et de la souveraineté véritable. Pour lui, le « Sénégal souverain, juste, prospère » que son gouvernement appelle de ses vœux se construira avant tout avec « des identités retrouvées, des âmes élevées et des esprits libres ». Et l’école de cette liberté, a-t-il martelé, « c’est le livre ».
Cette approche lie de manière indissociable le destin de la nation à la vitalité de sa pensée. Avant toute politique, a-t-il soutenu, « il faut un imaginaire ». C’est un changement de paradigme puissant : la transformation du pays ne sera pas seulement matérielle, mais avant tout intellectuelle et spirituelle.
L’Écrivain, Conscience de la Nation et « Veilleur » de la Cité
Un hommage vibrant et personnel a été rendu à tous les « artisans du verbe et de l’esprit ». Le Président a magnifié le rôle de l’écrivain, le qualifiant de « démiurge » qui façonne la langue pour en faire un « souffle qui façonne les consciences ». Loin de l’image de l’artiste déconnecté, il a peint le portrait d’un acteur social de premier plan, un « citoyen éveillé » dont la parole est « un acte de résistance contre l’ignorance ».
En invoquant le panthéon littéraire sénégalais et africain – de Léopold Sédar Senghor à Mariama Bâ, de Cheikh Hamidou Kane à Aminata Sow Fall et Boubacar Boris Diop – il a illustré comment leurs œuvres ont permis à l’Afrique de « se regarder sans complaisance ni haine ». Ces auteurs, a-t-il rappelé, n’ont pas seulement écrit des histoires ; ils ont forgé une conscience, donné une voix aux silences et transformé les blessures en « matière d’espérance ».
Un Pacte Renouvelé et une Feuille de Route Stratégique
Le discours n’était pas qu’une ode à la littérature. C’était aussi l’annonce d’un « pacte renouvelé entre l’État et les acteurs du livre », assorti d’une feuille de route claire. Le Président a invité les professionnels à s’emparer de chantiers cruciaux pour l’avenir :
La Modernisation des Bibliothèques : Une politique ambitieuse est demandée pour transformer les bibliothèques en espaces de vie et de savoir modernes, en saisissant les opportunités du livre numérique.
L’Économie du Livre : Le secteur doit être structuré pour devenir un véritable moteur de développement, intégré dans une stratégie globale des industries culturelles et créatives.
La Souveraineté Linguistique : Un appel fort a été lancé pour la publication d’ouvrages en langues nationales. « Écrire dans nos langues, c’est transmettre notre vision du monde ; c’est dire au monde que nous pensons en sénégalais », a-t-il déclaré. C’est un acte politique majeur visant à réaffirmer une identité culturelle forte et décomplexée.
Dakar, Hub Culturel : Le Président a affiché son ambition de revitaliser des événements comme la Foire Internationale du Livre (FILDAK) pour, en synergie avec la Biennale des Arts, reconstituer à Dakar un « hub culturel tant escompté ».
La Culture, Moteur de la Transformation Nationale
En se proclamant « Premier Protecteur des Arts et des Lettres du Sénégal », Bassirou Diomaye Faye a envoyé un message sans équivoque : sous son mandat, la culture ne sera pas un secteur secondaire, mais bien le cœur battant de la transformation nationale. Sa conviction est profonde : « On ne transforme pas durablement une nation sans transformer d’abord son imaginaire, sans élever ses lectures, sans nourrir sa pensée. »
Ce discours-manifeste ouvre une nouvelle ère pour la politique culturelle au Sénégal. Il place la barre très haut et appelle à une mobilisation de tous, des créateurs aux citoyens, pour faire du livre et de la connaissance les fondations solides sur lesquelles bâtir l’avenir. Le Sénégal a rendez-vous avec ses esprits.