Au Monument de la Renaissance Africaine, un panel d’experts a démontré mercredi comment le cousinage à plaisanterie, pratique culturelle millénaire, peut juguler les tensions identitaires et favoriser la cohésion en Afrique de l’Ouest. Dans le cadre de la première édition d’ECOFEST (30 novembre-6 décembre), co-organisé par la CEDEAO et l’UEMOA, cette rencontre illustre le thème « Mutations et crises politiques en Afrique de l’Ouest : que peut faire la Culture ? ».
Un festival au cœur des enjeux régionaux
ECOFEST, lancé officiellement par le Premier ministre Ousmane Sonko au Grand Théâtre de Dakar, réunit artistes, décideurs et communautés pour promouvoir l’intégration via la culture. Soutenu par le Sénégal, il vise à transformer les arts en leviers de paix et de développement face aux instabilités géopolitiques. Le panel du 3 décembre, organisé par le Monument de la Renaissance Africaine, l’Association Mbokatoor Maasir et les ressortissants ouest-africains au Sénégal, a réuni le Pr Pape Massène SÉNE (UCAD), Dr Djiby DIAKHATÉ, Dr Félix MBÉTÉ (Tchad) et Mahamadou DIOUARA (UJPNA).
Cette initiative valorise le patrimoine immatériel comme le cousinage à plaisanterie — Kal/Maasir au Sénégal, Sanankouya au Mali, Rakiré au Burkina Faso, Toukpé en Côte d’Ivoire. Basé sur railleries codifiées et joutes verbales, il prévient les conflits et renforce les liens communautaires.
Les « objets » de la plaisanterie décryptés par Djiby Diakhaté
Le sociologue Djiby DIAKHATÉ a analysé ces pratiques par leurs « objets », révélant des leçons sociétales profondes. Dans la famille élargie, la raillerie cible le partage : un cousin « inutile » est celui qui accumule sans redistribuer, rappelant que la famille traditionnelle était instance de production et d’éducation solidaire.
Entre patronymes, la nourriture devient cible, moquant l’attachement excessif au corps au profit de l’âme. « Nous vivions dans des sociétés ascétiques, mettant l’accent sur l’esprit », explique-t-il, critiquant le matérialisme via l’humour.
Entre groupes ethnolinguistiques, les plaisanteries rappellent valeurs fortes — courage, hospitalité, respect. La diversité y est richesse : « Ce qui fait la beauté d’un tapis, c’est la variété de ses couleurs », évoque-t-il, gérant l’altérité pacifiquement.
Symboles d’une gouvernance endogène
Diakhaté illustre par le balai royal, symbole de « propreté de l’âme » chassant le mal intérieur, et le repas autour du bol : main gauche tenant la communauté stable, main droite mangeant à sa place, condiments centraux redistribués équitablement par les aînés. Ces gestes enseignent respect hiérarchique, protection du bien public et justice distributive.
Vers une Renaissance par la culture
Ce panel positionne le cousinage comme outil stratégique contre crises actuelles, aligné sur l’ambition d’ECOFEST de bâtir une sous-région unie. La ministre Khady Diène GAYE soulignait déjà que ces pratiques transcendent les fractures. Enraciné dans les cultures ouest-africaines, il pave la voie d’une Afrique pacifiée et solidaire.