Sous le thème ambitieux « Des données à l’impact », la capitale sénégalaise est devenue cette semaine le cœur battant de l’innovation géospatiale en Afrique. Le 9ème symposium AfriGeo a réuni plus de 1 500 chercheurs, décideurs politiques et experts de plus de 70 pays, dont 33 nations africaines, pour forger une vision commune : transformer les données satellitaires en solutions concrètes pour les défis urgents du continent.
Organisé par le Centre de Suivi Écologique (CSE) du Sénégal, cet événement majeur s’inscrit dans un contexte où l’Afrique fait face à une convergence de crises : changement climatique, insécurité alimentaire, urbanisation rapide et dégradation de l’environnement. Face à ces enjeux, les technologies spatiales ne sont plus un luxe, mais une nécessité stratégique pour un développement souverain et durable.
Du constat à l’action : une nouvelle doctrine pour les données spatiales
« Nous avons souvent eu des données, mais elles n’ont pas été suffisamment traduites en connaissances pour faciliter leur prise en charge dans les stratégies de développement », a martelé le Professeur Cheikh MBOW, Directeur général du CSE, dans son discours d’ouverture. Cette déclaration donne le ton d’un forum résolument tourné vers l’action. Fini le temps de la simple collecte de données ; l’heure est à la création de services à forte valeur ajoutée capables d’influencer les politiques publiques et d’améliorer le quotidien des populations.
Les applications sont aussi vastes que les besoins du continent : de la gestion de l’érosion côtière qui menace les 700 km de littoral sénégalais à la surveillance des forêts pour lutter contre la déforestation illégale, en passant par l’optimisation des rendements agricoles, la prévention des inondations et la planification urbaine.
Le Sénégal, fer de lance d’une ambition continentale
En accueillant ce forum, le Sénégal confirme son leadership et son engagement dans le « New Deal Technologique » prôné par les plus hautes autorités de l’État. Pour M. Maram KAÏRÉ, Directeur général de l’Agence Sénégalaise d’Études Spatiales (ASES), l’enjeu est double : répondre aux priorités nationales et catalyser une dynamique panafricaine.
« La surveillance maritime est une priorité absolue », a-t-il affirmé, évoquant la lutte contre la pêche illégale et la sécurisation des nouvelles infrastructures pétrolières et gazières. « L’ASES travaille déjà sur une constellation de satellites qui permettra de gérer cet aspect. »
Au-delà des applications, M. KAÏRÉ a souligné le défi fondamental de la maîtrise technologique. « Cela passe par deux points : les infrastructures locales pour retenir nos talents, et le capital humain, que nous devons former aux plus hauts standards internationaux. » Cet appel au transfert de compétences et de technologies a trouvé un écho favorable auprès des nombreux partenaires internationaux présents.
Une solidarité africaine pour une masse critique d’informations
L’un des messages forts du forum est qu’aucun pays africain ne peut relever seul ces défis. Le Professeur MBOW a insisté sur la nécessité d’une « solidarité active » et d’un multilatéralisme renforcé pour « mobiliser la masse critique d’informations et de données » nécessaire à l’élaboration de politiques publiques efficaces.
Le symposium a ainsi été le théâtre d’échanges de bonnes pratiques entre des pays pionniers comme l’Afrique du Sud et le Kenya, et des nations émergentes dans le domaine spatial. L’objectif est de créer des synergies et de mutualiser les ressources pour que les solutions développées dans un pays puissent être adaptées et déployées dans un autre, accélérant ainsi le développement de tout le continent.
Vers une feuille de route pour l’avenir géospatial de l’Afrique
Au-delà des sessions techniques et des présentations de haut niveau, le Forum AfriGeo de Dakar vise à produire des résultats concrets. Les participants travaillent à l’élaboration d’une feuille de route claire pour les États, préconisant des solutions technologiques adaptées aux grands enjeux climatiques et environnementaux.
La formation n’a pas été en reste, avec plus de 60 jeunes chercheurs formés en amont du symposium sur des technologies de pointe comme l’imagerie par drone et l’intelligence artificielle. C’est le signe qu’au-delà des stratégies, l’Afrique investit dans sa jeunesse pour s’assurer que l’avenir spatial du continent soit entre des mains africaines.
En clôture de ces trois jours de débats intenses, une certitude émerge : l’Afrique ne subit plus, elle agit. En s’appropriant les outils géospatiaux, le continent se dote des moyens de surveiller son territoire, de protéger ses ressources et de construire un avenir résilient. Le regard tourné vers l’espace, c’est bien son destin sur Terre que l’Afrique est en train de redessiner.
Nous vous invitons à découvrir les réactions du Professeur Cheikh MBOW et M. Maram KAÏRÉ.