La Fédération des Boulangers du Sénégal, regroupant la FNBS, la RBS et la RBS Authentique CNBS, a lancé aujourd’hui un cri d’alarme retentissant lors d’une conférence de presse. Le secteur de la boulangerie, qu’ils qualifient de « pilier de la souveraineté alimentaire », est confronté à une crise sans précédent, menaçant des milliers d’emplois et la paix sociale. L’intersyndical pointe du doigt l’inaction de l’État et le non-respect des réglementations en vigueur, notamment le Décret 2277 du 31 décembre 2019.
Un cadre réglementaire à la dérive et des coûts insoutenables
Les boulangers dénoncent un environnement réglementaire chaotique. Ils fustigent les ouvertures anarchiques de boulangeries ne respectant ni les normes, ni les distances établies, ainsi que l’absence de récépissés pour des demandes d’autorisation datant de 2020. L’inopérance des comités de suivi techniques régionaux et la concurrence déloyale du secteur informel exacerbent la situation. Les tracasseries administratives récurrentes, les contrôles inopinés et les fermetures arbitraires sont devenus le quotidien des professionnels.
À cela s’ajoutent des coûts de production devenus insupportables. L’envolée des prix des intrants est criante : le carton de levure a bondi de 20 000 FCFA à 31 000 FCFA en cinq ans. Les équipements vieillissants sont impossibles à renouveler, les factures d’électricité sont écrasantes, et les retards dans les quotas de Diesel Oil contraignent les boulangers à s’approvisionner à la pompe à des prix exorbitants. La fiscalité est jugée incohérente, taxant lourdement des intrants comme la levure ou l’améliorant alors que le pain est un produit social. L’introduction d’une nouvelle taxe pour l’obtention de l’Établissement Classé (EC), en hausse brutale, achève de les asphyxier.
Une structure de prix obsolète qui étrangle le secteur
La décision de juin 2024 de baisser le prix du pain de 175 FCFA à 150 FCFA suite à la diminution du prix de la farine (de 19 200 F à 15 200 FCFA) est perçue comme un coup de massue. « Cette baisse, en apparence bénéfique pour le consommateur, a en réalité été un coup de massue pour les boulangers, déjà fragilisés », a déclaré Joseph DIAB, un des porte-paroles du jour. Les coûts de production n’ayant pas diminué (électricité, salaires, charges fiscales et sociales), les marges des boulangers sont laminées, entraînant des faillites et des menaces sur l’emploi.
La Fédération exige une révision immédiate de la structure du prix du pain, basée sur une concertation multipartite et l’expertise d’un cabinet indépendant, afin d’aboutir à une tarification « réaliste, durable et juste ».
L’État appelé à prendre ses responsabilités
Les boulangers lancent un appel solennel au Président de la République pour qu’il garantisse l’application effective du décret 2277 et des réglementations en vigueur. Ils demandent des instructions fermes aux ministères concernés pour un traitement « urgent et structurant » de la filière, ainsi que la convocation d’un Conseil interministériel dédié exclusivement à la boulangerie.
Parmi les demandes concrètes figurent l’allègement de la fiscalité sur les équipements (suspension de la TVA, exonération des droits de douane pour une période transitoire de trois ans), la subvention des équipements économes en énergie (kits solaires, fours modernes), et la mise en place d’un répertoire national des boulangeries avec une digitalisation complète du système d’autorisation.
« Quand il n’y a pas de pain, la parole perd son goût »
La Fédération des Boulangers se positionne non seulement comme des artisans, mais aussi comme des « sentinelles de la stabilité alimentaire ». Ils avertissent que sans une intervention rapide, des centaines de boulangeries fermeront, plongeant des milliers de familles dans la précarité. Rappelant le proverbe sénégalais « Quand il n’y a pas de pain, la parole perd son goût », ils insistent sur le caractère vital de leur secteur pour la paix sociale.
Leurs revendications clés sont claires : assainissement du secteur avec la fermeture des boulangeries illégales, digitalisation des procédures, réunions mensuelles obligatoires des comités régionaux, révision structurelle du prix du pain, suppression de la TVA sur les intrants, subvention des équipements modernes, création d’un cadre de concertation permanent avec l’État, et suspension des nouvelles taxes abusives.
Les boulangers ont tendu la main au dialogue, mais ils exigent des actes. L’heure, selon eux, n’est plus aux discours, mais aux décisions.
Retrouvez, sur la vidéo ci-dessous, l’intégralité des déclarations issues de la conférence de presse organisée ce jour dans un grand complexe hôtelier de la place.